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Quand parut la première violette, le bateau fut prêt à entrer dans la bouteille. Enfin le secret allait être révélé ! Mais un autre souci remplissait la maison. Le petit Maurice était sur le point de faire sa première communion.

Délicat, chétif, cet enfant n’avait jamais cessé de tousser depuis sa pleurésie. Son frère cadet, à présent, était plus haut que lui. Futur marin, c’était, celui-là, l’un de ces petits de chez nous que la mer magnétise de bonne heure et qui, comme les poètes et les religieux, ont la vocation dès l’enfance. Il s’était pris, cela va de soi, d’une grande passion pour Delphin, si doux, si bon, et qui lui enseignait avec tant de patience les choses du métier.

Plusieurs fois le mousse avait obtenu, par beau temps, qu’on le prit sur la barque. Enfin :

— Pourquoi qu’il irait pas à l’école des marins de la Basse-Seine ? avait-il risqué un jour.

Et l’on avait convenu que le grand frère d’adoption y retournerait lui-même, l’an prochain avec le petit.

Delphin, près de ses dix-huit ans, novice depuis seize ans, allait bientôt devenir officiellement matelot, être inscrit au rôle, en attendant, à vingt ans, l’inscription maritime.

C’était maintenant un grand et beau jouvenceau, large d’épaules, dont la démarche chaloupait, dont la moustache commençait tout juste à poindre, petite ombre blonde en dessus de la lèvre. Et Ludivine, qui n’avait pas encore dix-sept ans, vigoureuse et fuselée, semblait si bien faite pour lui que les commères du quartier commençaient à entrevoir un mariage, lequel semblait naturel à tout le monde, sauf aux parents, qui, bien entendu, n’y avaient jamais pensé.

Cette famille Bucaille, décidément, s’était relevée. Le respect général environnait les femmes de la maison, « bien travaillantes »