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le dernier mot. Redoutant les cris de Ludivine, il dut se borner à dire :

— Tu m’as fait peine, tu l’sais bien ! Mais moi je veux bien n’pus y penser, puisque ça t’chagrine !

Elle le regardait, les sourcils froncés. Elle l’aimait bien, son grand gosse jaloux. Comme elle se sentait sombre et compliquée, en face de cette candeur.

— Tiens !… va t’coucher, conclut-elle en haussant les épaules. Demain tu travailleras à ton bateau. Tu le quittes depuis si longtemps sû l’chantier !

— Bien, fit-il doucement.

Une fois de plus elle acceptait l’ex-voto. Tout heureux, il l’embrassa sur les deux joues avant d’aller dormir, la laissant, seule éveillée dans la maison, laver et ranger la vaisselle du maigre repas qu’elle venait de lui servir.


✽ ✽

La troisième rencontre avec Lauderin eut lieu, comme il fallait s’y attendre. Il la guettait effrontément à sa porte, en pleine animation matinale,

Un avertissement secret ou bien l’émotion réelle qui le poignait le faisait non plus conquérant mais humble, presque, malgré qu’il fût si bien habillé, tandis que la pâleur de son visage, l’intensité de son regard montraient le travail rapide qu’avait accompli dans son être sa passion naissante.

— Écoutez-moi !… dit-il, parlant vite et sans attendre les rebuffades. C’est très sérieux. Je sens que je suis pincé, et bien pincé, Si vous saviez ! Alors, voilà. Mamzelle Bucaille aime bien les dragées. Elle aimerait peut-être aussi tout le reste. Moi, j’ai de l’argent tant qu’elle en voudra.

Il haleta un instant, se dépêchant à son côté. Sa voix s’étrangla pour achever la phrase. Il était en plein amour, en plein drame.