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On n’est qu’des pêqueux, mais on a l’front aussi haut qu’eux autres !

Quand il eut enfin promis qu’il ne dirait rien, mais éviterait simplement de retourner au Grand Café Maritime, sa femme le quitta, rassurée un peu.

« Aie pas peur !… avait-il déclaré. Dès que mon bateau s’ra prêt, j’me mettrai à la tâche pour regagner l’argent et lui rendre c’qu’il a prêté ! Car y a que comme cha qu’on pourra parer au grain ! »

Beaux projets de sept heures du matin !

À minuit seulement il rentra, plus méchant que d’ordinaire, et l’injure à la bouche. Qu’avait-il fait de sa journée ? « J’y ai dit son fait !… » répétait-il toujours.

Ludivine et sa mère purent faire les plus néfastes suppositions. Il avait dû se passer quelque chose au Grand Café Maritime. Les épaules courbées, la mère attendait les malheurs.

Ce même jour, Delphin était arrivé rayonnant au repas de midi. Il avait trouvé du travail pour quelques jours : un paquebot anglais que l’on chargeait de fruits.

— Comme ça, j’vous rapporterai toujours queuque chose pendant qu’le bateau raccommode…


✽ ✽

Les malheurs attendus ne venaient point. « On n’entend pas parler de rien. » constatait la grêlée en rentrant chaque soir.

Delphin, tout fier de l’argent qu’il gagnait sur son paquebot anglais, avait retrouvé sa bonne humeur. Et les deux petits frères attendaient avec impatience qu’arrivât le dimanche, car il leur avait promis formellement qu’aussitôt en rentrant de la messe il se mettrait à l’ouvrage et qu’enfin, ce bienheureux jour-là, l’on verrait entrer le petit bateau dans la bouteille.

Le vendredi matin, vers sept heures et demie, le pêcheur dormant encore puisqu’il avait toujours le vin de la veille à cuver,