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— Adoréel… murmura-t-il comme quelqu’un de profondément touché.

Puis, levant vers elle sa figure blafarde de roux, avec des yeux où passaient tous ses souvenirs de noce :

— Je ne tiens pas, avoua-t-il presque bas, à ce que vous soyez si sérieuse que ça ! Moi, ce que j’aime, c’est ma petite Ludivine… vous savez… toujours sur la brèche, oui… gueularde, méchante, amusante.

Il baissa la voix encore :

— Ma petite Ludivine, oui, canaille !… Canaille, comprenez-vous ?… Comprends-tu ?

Une lueur passa dans les yeux de la jeune fille, tandis qu’elle éclatait d’un mauvais rire. Elle comprenait le jeu, certes ! Ce n’était pas difficile de le reprendre, celui-là, quand il faisait mine de flancher !

Son regard d’effrontée s’avança tout près de celui, vicieux, de cet homme qui aimait recevoir des coups, qui les redemandait quand on cessait de le cravacher.

— Ah ! t’en veux, Pierrot ?… articula-t-elle, aussi bas que lui. Eh ! ben !… T’en auras, sois tranquille !

Enivré, grondant, il fit un geste comme pour se jeter sur elle. Elle se mit à tourner autour de la table, pour aller se placer sous la protection de son petit frère.

— Va ! cria-t-il, quand tu seras ma femme, tu verras !

Le petit Maurice, assez effrayé, les regardait, dressés tous deux l’un en face de l’autre comme deux bêtes dont on ne sait si elles vont se battre ou s’aimer. Cet enfant avait déjà vu bien des scènes dans sa courte vie, mais rien qui lui parut aussi plein de menaces que celle-ci, qui, pourtant était une scène d’amour.

Enfin :

— Tiens !… j’aime mieux m’en aller !… cria Lauderin, hors de lui. Sans ça je sens que ça va être la folie ! La folie !… La folie !…