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venus de nouveau voir construire la Belle-Ludivine, une conversation malheureuse.

— Tiens !… tiens !… Vous n’aimez pas la mer ? répétait en rentrant la jeune fille. Ça vous rend malade ?…

Elle pensa d’abord qu’elle pouvait bien en profiter pour aller par gros temps au Havre, sûre qu’il ne la suivrait pas par peur du tangage. Maurice non plus ne pourrait venir, naturellement. Il n’y avait plus qu’à trouver la course urgente, et qu’à attendre une belle tempête. Cette idée la rendit si joyeuse qu’elle fut gaie toute la soirée. Puis une autre idée suivit.

En attendant que le ciel se fit sa complice :

— Y a longtemps que j’n’ai navigué, commença-t-elle, quelques jours plus tard, et y m’ennuie du flot. En attendant que ma barque soit faite, j’veux aller sur Espérance avec papa, ou bien sur Bon-Bec avec le père La Limande, faire un court tour dans la baie. On emmènera maman et Maurice, comme de juste. Entendu pour demain, hein ?

Le malheureux dit tout ce qu’il put dire pour éviter la mésaventure. Plus il se défendait, plus la taquine s’entêtait. Il ignorait qu’une lettre avait prévenu Delphin.

« Sois demain, juste avant la sombreur, dans le parage de la Haut de 40. Tu me verras passer, et peut-être que je pourrai t’envoyer un baiser, que le fiancé aura le cœur en agonie et ne verra rien, et je veux, si tu m’aimes toujours, qu’il y ait une flamme à ton écoute de flèche, et attends bientôt de mes nouvelles pour un voyage de ton côté, que j’ai trouvé comment faire si le vent est pour nous. »

La présence de la femme Bucaille, au cas où Lauderin reconnaîtrait Delphin en mer, devait écarter tout soupçon de connivence entre Ludivine et le jeune matelot, car on ne promène pas toute sa famille avec soi lorsqu’on a, sur les vagues, un rendez-vous d’amour avec une autre barque.