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de Lauderin, lesquels ne manqueraient pas de s’embarquer avec elle pour la suivre dans ses mystères. Elle n’osait même plus aller à la poste.

« Seulement le voir !… se disait-elle à présent, seulement lui parler, lui dire… Seulement entendre sa voix me répéter : Je t’adore ! »

Au bout de ses huit jours de punition, Lauderin reparut, un après-midi. Son service d’espionnage avait été bien fait. Il était satisfait. La redoutable petite fiancée n’avait jamais eu l’intention de le tromper.

Son amour, renforcé par le sentiment de la sécurité, redevenait conquérant comme au premier jour. Il n’avait cessé, pendant cette huitaine, si longue à vivre pour lui, d’envoyer des lettres et des cadeaux. Il sentait bien que Ludivine n’avait pas d’amour pour lui ; mais il la croyait incapable d’en avoir pour personne. Il se disait seulement qu’elle ne pouvait déjà plus se passer de lui, de ses madrigaux et de ses prodigalités. Lui prêtant un tempérament de fille, il comptait sur l’avenir pour se l’attacher, par la griserie de l’argent et par d’autres griseries encore, qu’il préparait en imagination pendant les insomnies dont il souffrait comme elle.

Ce fut avec un nouveau présent qu’il l’aborda. Réfrénant sa haine encore accrue et sa colère, héroïque à sa façon, sacrifiée pour cette famille qu’elle couvrait d’injures, la petite s’en tira par des ricanements.

C’était une manière déguisée de grincer des dents.

Elle avait, elle aussi, ses projets d’avenir. Le monstre intérieur qu’elle nourrissait depuis l’enfance se préparait à des représailles raffinées.

Assis face à face, ce jour-là, dans le pauvre logis où la famille souriait, heureuse de les voir raccommodés, les fiancés échangèrent des regards où tout ce qu’ils avaient d’atroce en eux, l’un et l’autre, étincelait et se croisait, comme deux lames empoisonnées.