des barques. Le samedi, nouveaux essayages ; et, le soir, un tour sur la jetée.
Quand on fut au bout, devant la mer allumée de bouées, avec son Havre au loin, collier de lueurs défait sur l’eau :
— Est demain, dit Ludivine, que j’allons au Ratier néyer ma vie d’jeune fille, premier que je me marie. La marée basse est juste au fin milieu d’l’après-midi. Est la bonne heure ! Et comme j’sommes dans la lune claire, j’aurons du champ pour nous promener.
— Elle est folle ! se récrièrent les trois Lauderin.
— Vous n’avez pas vraiment cette intention-là ?… demanda le fiancé.
— La preuve, est qu’j’ai averti l’père La Limande aujourd’hui !… fit-elle.
— Comment !… Un dimanche ? Et, d’abord, c’est une idée insensée. Je suppose que vous voulez rire !
— Vous devriez savoir, riposta Ludivine, jouant la colère, qu’insensées ou non, m’s’idées, quand j’les ai, n’sont pas où qu’les poules ont l’s’œufs !
Elle mit ses mains à ses hanches, mauvais signe, et continua :
— Quand même que j’aurais pas voulu y aller pour de vrai, rien que d’voir la goule que vous faites, j’irais esprès pour vous piquer !
— Ça y est !… cria Lauderin, désolé, elle va y aller !
— Et vous y viendrez tous l’trois avec moi !… termina la petite rouée.
Mme Jules Lauderin, qui refoulait son dépit scandalisé, ne put, là-dessus, se retenir.
— Vous voulez vous moquer de nous !… éclata-t-elle aigrement. Nous ?… Vous nous voyez allant au Ratier ? D’abord, je vous ai dit que je ne pouvais pas supporter la mer, mon mari non plus ! Ensuite vous ne pensez pas que nous irions envaser nos chaussures et nous crotter jusqu’à la taille pour vous suivre dans vos absurdités ?…