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longuement aux femmes, qui n’écoutaient qu’une minute, et se remettaient à parler entre elles de tout autre chose.

Un peu plus loin, une longue vue braquée sur le Havre attirait quelques curieux, principalement des Havrais obstinés à découvrir, à travers la distance, la place de leur maison, qu’ils venaient pourtant de quitter en prenant le bateau exprès pour cela, et qu’ils connaissaient assez pour qu’elle n’eût rien de spécialement palpitant à leurs yeux.

Il va sans dire que Lauderin, à son tour, fut s’absorber dans l’étude de la carte de faïence, et qu’il l’expliqua aux femmes, qui n’entendirent même pas. Ensuite, M. Jules Lauderin sortit de son étui la jumelle perfectionnée qu’il portait en bandoulière et se mit en demeure de la faire passer de mains en mains, avec force démonstrations, qu’il donnait autant pour le petit public étranger qui l’écoutait que pour ses compagnons de table.

— J’aime mieux la longue-vue !… dit Ludivine, quand elle eut regardé.

Magnifique, Lauderin tira de son portefeuille un billet de cinq francs, et, le donnant à l’homme :

— Faites-voir à mademoiselle !…

Les petits frères réclamèrent. Ludivine les laissa tant qu’ils voulurent examiner la côte, diriger l’instrument dans tous les sens. Elle attira même d’un signe Mme Jules. Son moment à elle n’était pas encore venu. Car une idée venait de lui naître.

Quand la mère Bucaille elle-même eut, maladroite et se bouchant un œil avec le poing, observé la Seine-Inférieure :

— Maintenant, c’est à moi !… réclama Ludivine.

— Elle fit semblant de s’intéresser au château de Mortemart, à Harfleur, à la Hève, aux maisons Dufayel. Puis :

— Montrez-moi les bouées du Ratier, à c’t’heure !

— On n’les voit plus, rapport aux arbres… dit l’homme. Faut aller aux Bruyères.