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Là-dessus, se redressant comme reprise par une idée fixe pendant longtemps oubliée :

— Y a pas ! Faut qu’j’y aille ! s’écria la jeune fille. Allons !… V’nez-vous, vous tous ?… Le père La Limande nous attend dans l’port ! Ça nous fra du bien, après toute c’te chair que j’avons mâquée et tout c’vin qu’j’avons entonné !

Elle riait. Mais son cœur battait si fort qu’elle en avait la parole coupée. « S’ils allaient dire oui ?… » pensait-elle, épouvantée.

Elle comptait bien que la dispute de la veille allait recommencer. Mais voici qu’accablés par leur déjeuner et la chaleur, retournés à leur banc de bois, ils ne lui répondaient aucun, la regardant seulement d’un air morne. Le petit Armand, contre la mère Bucaille, dormait déjà. Celle-ci se tenait la tête. Maurice toussait ; Mme Jules souriait vaguement ; M. Jules manipulait sa lorgnette ; le père Bucaille regardait du côté de l’hôtel, désireux de retourner boire un coup ; Lauderin levait les yeux en l’air.

— Répondrez-vous, tous, par un bout ou par l’autre ?…

Quelques passants s’amusaient. Un imperceptible haussement d’épaule de la belle-sœur, et ce fut tout. Personne ne pouvait croire que Ludivine parlât sérieusement. Ils avaient les voitures pour finir l’après-midi par une promenade. En attendant, nul d’entre eux ne désirait quitter cette place où l’on était à peu près bien.

Réprimant l’émotion de son immense espoir :

— Est bon !… dit Ludivine. Puisque personne ne bouge, à la revoyure !… Moi, j’m’en vais !

Pressée, un peu haletante, elle se dirigeait déjà, d’un grand pas joyeux, vers la descente. Elle se retourna : Lauderin courait derrière elle.

— Vous n’allez pas faire ça, voyons !… C’est ridicule !… Non !… Vous plaisantez, n’est-ce pas ?

Il vit ses yeux, et trembla :

— Et les voitures qui nous attendent ?