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Page:Delarue Mardrus - L’Ex-voto, 1927.djvu/250

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— Eh ben ! vous irez vous guimbarder sans moi !

Elle continuait d’avancer dans la côte, ruée vers son désir.

— Allons, Ludivine !… Revenez là-haut ! Ça suffit !

Elle s’arrêta net, le brûla d’un regard de haine, et, tout bas à cause des gens qui circulaient :

— Vous croyez qu’c’est parce que vot’belle-sœur m’a écrit des mignardises que j’f’rai point c’que j’veux faire ?… J’ai dit qu’j’irais au Ratier aujourd’hui, j’irai !

Inspirée, elle trouvait enfin ce qu’il fallait. Puisqu’il n’y avait pas eu la scène qu’elle attendait, elle reprenait celle de la veille, voilà tout.

Elle put croire que la partie était gagnée. Lauderin, resté sur place, la laissait descendre sans la suivre.

— J’y suis ! se dit-elle avec une envie de crier.

La tête en avant, elle se mit presque à courir. Une voiture qui venait derrière elle, au bout de quelques minutes, fit qu’elle prit sa droite, tout en continuant à se dépêcher.

— Ludivine !

Elle bondit, arrêtée. Dans la voiture, il y avait Lauderin.

— Puisque vous êtes absolument folle, dit-il en descendant, je ne vous laisserai pas aller toute seule au Ratier. Il faut que je vous aime, vous savez !

Le petit sourire de l’héroïsme relevait sa moustache :

— Allons ! Montez !

Il lui fallut toute la force dont elle était capable pour maîtriser le rugissement de sa colère. Mais renoncer à son équipée, maintenant, c’était dévoiler tout. Elle eut le courage, en s’asseyant sur les coussins de cuir, de murmurer :

— Est gentil, ça !… À la bonne heure…

Mais fermant les yeux, prête à s’évanouir, elle ne put pas prononcer un mot de plus. La voiture, repartie, les cahotait tous deux dans la côte, avec un grincement aigu venu du frein serré à fond.