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subite saute de vent, tandis qu’à deux pas la barque à la dérive commençait à tournoyer tragiquement, vide d’humains, privée d’intelligence, livrée aux hasards de la tempête.

Lauderin, sans rien comprendre encore, haussait le ton, impatient.

— Mais qu’est-ce qu’il fait, cet imbécile ?

Cependant, le père La Limande s’était précipité d’un élan terrible. Lauderin et Ludivine, arrêtés côte à côte, regardaient, enveloppés d’un grandissant tapage. Le chapeau de Lauderin s’envola. Ludivine ne riait plus.

Le père La Limande, tout à coup, essaya de se mettre à la nage.

— Mais… qu’est-ce que ça veut dire ?… interrogea Lauderin, tourné vers Ludivine.

Le poing sur la bouche, elle ne répondit pas.

Une lame venait de recouvrir le vieux pêcheur. Il disparut, reparut, roula, rejeté, sur les cailloux. Le matelot, les dix doigts dans les cheveux, tourné vers la barque qui s’éloignait vite, maintenant, devait pousser un hurlement qu’on n’entendait pas.

Ruisselant, avec ses mèches grises noyées, collées à ses joues, le père La Limande revint en boitant vers les fiancés hagards. Quand il fut tout près d’eux, ils comprirent ce qu’il disait.

— J’sommes foutus !

Pour crier assez fort, dans la clameur du vent et de la mer, Lauderin ouvrit la bouche jusqu’à la gorge.

— Mais qu’est-ce que vous dites ? C’est impossible !

Et, brusquement, il comprit enfin. Leur barque les avait abandonnés. Ils étaient seuls sur le Ratier où la mer allait monter. Ils étaient perdus.

À ce moment ses cheveux se hérissèrent. Il se mit à secouer, comme un possédé, l’épaule du père La Limande :

— On va nous sauver !… Il y a des barques là-bas ! Il y a des barques ! Je les vois !…