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— Vas-tu aller t’coucher, maintenant, toi, vadrouille à picoteux, propre à rien, gothon !

Et regagnant en quatre pas son lit, Ludivine, transie, y enfonça son corps gelé, son âme rabrouée.

Un parfait silence succédait au drame. Les petits frères dormaient toujours. La mère, dans l’autre pièce, ne tarda pas à ronfler, de concert avec son homme resté sur le carreau. Pourquoi Ludivine ne se rendormait-elle pas aussi ?

Il lui sembla qu’une tempête immense se déchaînait dehors, sur la terre et sur la mer. Elle sortit encore une fois sa tête du piètre nid pour écouter. Le vent, engouffré dans les trous du logis, sifflait, tirait des coups de canon dans la cheminée. Puis, des paquets d’eau s’abattirent sur les vitres.

— V’là l’grain ! songea-t-elle.

La tempête, cette vieille habitude, ne lui faisait pas peur. Elle connaissait bien les violences de l’équinoxe. Un jour, elle s’accoutumerait également aux violences de ses père et mère, voilà tout. Elle écouta longtemps, songeuse.

— Encore heureux, conclut-elle avec un très léger frisson, qu’y n’soit pas sans matelot parmi !

Ce fut là-dessus qu’au bruit de la rafale, réchauffée enfin, elle se rendormit, roulée en boule, comme un simple petit oiseau de mer.