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— Qu’est-ce qu’il va devenir ? demandaient toutes les voix à la sortie.

Mais personne ne proposa de s’occuper de lui.

Quelqu’un avait dit :

— Les bonnes sœurs vont sans doute le prendre à l’hospice.

Et chacun rentra chez soi, rassuré par cette affirmation.

La foule dispersée, qu’était devenu le petit mousse ?

— M’sieu le curé l’a emmené…, certifièrent les commères.

Et c’était sans doute la vérité.

Entre son père et sa mère, Ludivine revint chez elle avec ses deux petits frères. Quand la famille assombrie, presque silencieuse, eut achevé son repas :

— Écoutez donc, dit-elle tout à coup.

Les parents levèrent le nez.

L’enfant aurait bien voulu continuer. Mais les paroles s’étranglaient dans sa gorge. Depuis qu’ils étaient à table, elle n’avait pas prononcé un seul mot. Elle essaya de faire l’indifférente, se mit à jouer avec son couteau, puis enfin, regardant attentivement ses mains, presque bas :

— Alors il va aller à l’orphelinat, le petit Delphin ?

— Faut crère !… répondit le père. Mais tout probable que les bonnes sœurs l’ont ramassé pour queuques jours, pitiable comme il est. Y peut pas coucher tout seû chez lui, avec tous ses morts, c’méchant gamin ? Quand qu’le bail s’ra fini chez eux, on vendra ses quat’meubles, et puis il ira s’aligner avec les gosses qui sont comme li ! On l’enverra queuque part travailler comme mousse, et l’tour sera joué !

— Vous autres qu’avez tant d’mauvaiseté, reprit la mère, ça vous ferait du bien d’être orphelins seul’ment pour quinze jours !

Ludivine releva la tête et dit tranquillement :

— Pour qui qu’on l’prendrait pas chez nous ?