Page:Delatour - Adam Smith sa vie, ses travaux, ses doctrines.djvu/181

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qui en demandent beaucoup, quel que puisse être le chiffre de l’excédent réalisé. Supposez, par exemple, un lieu où l’hectare cultivé en seigle exige 45 francs de frais de production pour rendre 120 francs, et où le même hectare, cultivé en froment, exige 120 francs de frais pour rapporter 250 francs : un fermier n’hésitera pas à préférer la culture du blé. C’est en numéraire qu’il solde son fermage, et une culture qui lui rendra net 130 francs vaudra pour lui beaucoup mieux qu’une culture qui, à superficie égale, ne lui en rendrait que 75. Un métayer sera contraint de calculer tout autrement. L’hectare en seigle, pour 45 francs, en donne 120, et la moitié de la récolte lui demeurant, c’est 15 francs qu’il aura de bénéfice ; l’hectare en blé au contraire, coûtant 120 francs pour en produire 250, ne lui laissera, vu ses avances, pour sa moitié qui montera à 125 francs, que 5 francs de rétribution : c’est pour la culture du seigle qu’il optera. À plus forte raison le métayer s’abstiendra-t-il de porter son travail sur les plantes qui, comme le lin, le chanvre, le colza, coûtent en frais de culture au-delà de la moitié de la valeur du produit obtenu. Vainement ces plantes, à superficie pareille, donnent-elles les plus beaux résultats, il ne lui resterait rien aux mains, le partage achevé avec le propriétaire, et, s’il les faisait entrer dans ses cultures, des pertes irrémédiables viendraient châtier son imprévoyance. »

Il y a donc incompatibilité entre le métayage et la culture intensive, car, pour que le métayage fût juste et rémunérateur à l’égard de celui qui cultive, il nécessiterait un partage inégal au profit de ceux des métayers qui ont plus de peine et qui font des avances plus considérables. Aussi ces sortes de contrats avaient une tendance bien manifeste à appauvrir la terre : c’est ce qui força les propriétaires à y renoncer et à permettre à la culture un nouveau progrès par l’introduction du fermage. C’est, en effet, le fermage qui est, pour Adam Smith, le mode le plus économique de tenure des terres, et l’auteur affirme que si on l’avait largement pratiqué, il aurait pu remédier en partie aux vices de l’extension des domaines. Mais les propriétaires ne voulaient pas conclure des baux assez longs et donner ainsi à leurs fermiers la sécurité nécessaire pour faire eux-mêmes les améliorations ; quant aux gouvernements, au lieu de favoriser la cul-