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Page:Delatour - Adam Smith sa vie, ses travaux, ses doctrines.djvu/203

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du capital existant. C’est la condamnation de tous les utopistes qui ont voulu voir dans la multiplication du signe une multiplication de la chose signifiée.

Cependant, dans ces limites mêmes, le crédit peut encore être dangereux, et Adam Smith a indiqué un autre écueil, que les nations n’ont pas toujours évité avec assez de soin : nous voulons parler des crises, rendues plus fréquentes par une réduction excessive de la circulation métallique. « Il faut pourtant convenir, dit le célèbre économiste, que si le commerce et l’industrie d’un pays peuvent s’élever plus haut à l’aide du papier-monnaie, néanmoins, suspendus ainsi, si j’osé dire, sur les ailes d’Icare, ils ne sont pas tout à fait aussi assurés dans leur marche que quand ils portent sur le terrain solide de l’or et de l’argent. Outre les accidents auxquels les expose l’impéritie des directeurs de ce papier-monnaie, ils sont encore sujets à en essuyer plusieurs autres dont la prudence et l’habileté de ces directeurs ne sauraient les garantir. » Smith craignait, par exemple, qu’en cas de guerre malheureuse dans laquelle l’ennemi se rendrait maître de la capitale et du trésor qui soutient le papier-monnaie, les plus grandes perturbations ne se produisissent alors, et que, l’instrument habituel du commerce ayant perdu sa valeur, on en fût réduit à revenir au troc en nature, forme première de toute transaction.

L’un des commentateurs de Smith, James Mill, a combattu cette réserve, en faisant remarquer que, dans l’état avancé où se trouve la civilisation, il y a, dans tout pays ayant un bon gouvernement et une population considérable, si peu de chances de guerre civile et d’invasion étrangère, qu’en recherchant les moyens propres à assurer la félicité nationale, on ne doit guère tenir compte de ces événements, d’autant moins, ajoute-t-il, que l’ennemi n’aurait aucun intérêt à détruire le crédit. Nous ne pouvons partager cet optimisme, car nous avons appris à nos dépens, qu’à notre époque même les invasions étrangères et la guerre civile ne sont pas impossibles, même dans un grand pays. – En pleine paix, d’ailleurs, la réduction excessive de la circulation métallique peut avoir aussi des effets funestes, et l’étude des crises industrielles et monétaires qui ont sévi chez les nations où le crédit est le plus développé, l’ont suffisamment