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ment, ou plutôt une annuité viagère qui doit venir s’ajouter au salaire, et cette prime est parfois considérable dans les professions libérales ou les arts qui exigent une grande habileté.

En troisième lieu, les salaires varient suivant l’inconstance ou l’incertitude de l’occupation. En effet, si, dans la plus grande partie des ouvrages de manufacture, un journalier est à peu près sûr d’être occupé constamment, il n’en est pas de même dans toutes les professions ; un maçon, par exemple, ne peut pas travailler dans les fortes gelées ou par un très mauvais temps, et la plupart des artisans ne peuvent d’ailleurs compter sur de l’occupation qu’autant que les pratiques auront besoin de leurs services. Il faut donc, conclut l’auteur, que, pendant le temps que chacun d’eux reste occupé, il gagne de quoi s’entretenir même pendant le temps où il n’aura rien à faire, et aussi de quoi se dédommager des moments de souci et de découragement que lui cause parfois la pensée d’une situation aussi précaire.

Quatrièmement, dit Smith, les salaires du travail peuvent varier suivant la confiance plus ou moins grande qu’il faut accorder à l’ouvrier. Les orfèvres et les joailliers, en raison des matières précieuses qui leur sont confiées, ont partout des salaires supérieurs à ceux de beaucoup d’autres ouvriers dont le travail exige non seulement autant, mais même beaucoup plus d’habileté. Nous confions au médecin notre santé, à l’avocat et au procureur notre fortune, et quelquefois notre vie et notre honneur ; des dépôts aussi précieux ne pourraient pas, avec sûreté, être remis dans la main de gens pauvres et peu considérés. Il faut donc que la rétribution soit capable de leur donner dans la société le rang qu’exige une confiance si importante.

Enfin, une cinquième circonstance influe encore avec une grande force sur le taux des salaires, c’est l’ensemble des probabilités de succès inhérentes aux diverses professions. Adam Smith développe longuement cette observation, et il le fait avec beaucoup de sagacité. Il montre comment, dans la plupart des métiers, le succès est, en somme, à peu près sûr, mais qu’il est, au contraire, très incertain dans les professions libérales. « Mettez, dit-il, votre fils en apprentissage chez un cordonnier, il n’est presque pas douteux qu’il apprendra à faire des souliers ; mais envoyez-le à une école de droit, il y a au moins vingt contre un