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Page:Delatour - Adam Smith sa vie, ses travaux, ses doctrines.djvu/240

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salaires varient, dit-il, suivant que l’emploi est aisé ou pénible, propre ou malpropre, honorable ou méprisé. Tous ces éléments de faveur ou de défaveur pèsent d’une grande force dans la balance. Ainsi, en général, un garçon tailleur gagne moins qu’un tisserand, parce que son ouvrage est plus facile ; le tisserand gagne moins que le forgeron, parce que l’ouvrage de ce dernier est malpropre ; le forgeron lui-même, qui est cependant un artisan, gagnera moins qu’un mineur, qui n’est qu’un simple journalier, parce que son ouvrage est non seulement moins malpropre, mais surtout parce qu’il est moins dangereux. La considération qui est attachée à ces emplois entre pour beaucoup plus encore dans le salaire des professions honorables, et il en existe même un certain nombre des plus recherchées à l’égard desquelles la rémunération pécuniaire est tout à fait nulle. Inversement, la défaveur attachée à un état produit l’effet contraire : le métier de boucher, qui a quelque chose de cruel, est d’ordinaire très lucratif, le plus affreux de tous les emplois, celui d’exécuteur public, est, en proportion de la quantité de travail, mieux rétribué que quelque autre profession que ce soit.

En second lieu, les salaires varient suivant la facilité et le bon marché de l’apprentissage, ou la difficulté et la dépense qu’il exige. « Quand on a établi, dit l’auteur[1], une machine coûteuse, on espère que la quantité extraordinaire de travail qu’elle accomplira avant d’être tout à fait hors de service remplacera le capital employé à l’établir, avec les profits ordinaires tout au moins. Un homme qui a dépensé beaucoup de temps et de travail, pour se rendre propre à une profession qui demande une habileté et une expérience extraordinaires, peut être comparé à une de ces machines dispendieuses. On doit espérer que la fonction à laquelle il se prépare, lui rendra, outre les salaires du simple travail, de quoi l’indemniser de tous les frais de son éducation, avec au moins les profits ordinaires d’un capital de la même valeur. Il faut aussi que cette indemnité se trouve réalisée dans un temps raisonnable, en ayant égard à la durée très incertaine de la vie des hommes, tout comme on a égard à la durée plus certaine de la machine. » En d’autres termes, c’est une prime d’amortisse-

  1. Rich., liv. I, ch. X (t. I, p. 135).