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QUATRIÈME SECTION.


De la consommation des richesses.


Adam Smith est, après Hobbes, le premier philosophe qui ait compris le rôle puissant de l’épargne dans la formation des richesses. On a condamné parfois l’épargne comme un tort fait à la société, mais si c’est là la condamnation économique du thésauriseur pour qui l’épargne est un but et non un moyen, cet arrêt n’atteint en rien celui qui réduit actuellement ses consommations improductives pour employer une plus forte part de son revenu à la reproduction. Au point de vue moral, l’épargne, bien distincte de l’avarice, n’est pas plus critiquable, car elle est une manifestation élevée, du sentiment de la responsabilité humaine et le résultat d’un sacrifice méritoire de l’homme valide qui, au prix de privations immédiates, cherche à se garantir contre les hasards des mauvais jours et à se prémunir contre les infirmités de la vieillesse ou les risques du lendemain. Aussi, cet homme, Smith l’a célébré comme un bienfaiteur de la société. « Les capitaux, dit-il, augmentent par l’économie[1] ; ils diminuent par la prodigalité et la mauvaise conduite. Tout ce qu’une personne épargne sur son revenu, elle l’ajoute à son capital ; alors, ou elle l’emploie elle-même à entretenir un nombre, additionnel de gens productifs, ou elle met quelque autre personne en état de le faire en lui prêtant ce capital moyennant un intérêt, c’est-à-dire une part dans les profits. De même que le capital d’un individu ne peut s’augmenter que par le fonds que cet individu épargne sur son revenu ou sur ses gains annuels, de même le capital d’une société, lequel n’est autre chose que celui de tous les individus qui la composent, ne peut s’augmenter que par la même voie. »

  1. Rich., liv. II, ch. III (t. I, p. 421).