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Il a ainsi restreint dans des bornes très étroites les dépenses de l’état.

« Dans le système de la liberté naturelle, dit-il[1], le souverain n’a que trois devoirs à remplir ; trois devoirs, à la vérité, d’une haute importance, mais clairs, simples, et à la portée d’une intelligence ordinaire. Le premier, c’est le devoir de défendre la société de tout acte de violence ou d’invasion de la part des autres sociétés indépendantes. Le second, c’est le devoir de protéger, autant qu’il est possible, chaque membre de la société contre l’injustice ou l’oppression de tout autre membre, ou bien le devoir d’établir une administration exacte de la justice. Et le troisième, c’est le devoir d’ériger et d’entretenir certains ouvrages publics et certaines institutions que l’intérêt privé d’un particulier ou de quelques particuliers ne pourrait jamais les porter à ériger on à entretenir, parce que jamais le profit n’en rembourserait la dépense à un particulier ou à quelques particuliers, quoique, à l’égard d’une grande société, ce profit fasse beaucoup plus que rembourser les dépenses. »

À vrai dire, cette dernière classe est si élastique que toutes les dépenses que les différents États ont jugé à propos de se réserver, pourraient, à la rigueur, rentrer dans cette énumération ; mais, dans les nombreux développements qu’il a donnés à ce sujet, l’auteur a tenu à préciser sa pensée et il a désigné limitativement les seuls services dont, selon lui, le gouvernement peut et doit se charger. C’est là, l’objet d’un long chapitre qui ne comprend pas moins de 150 pages et qui est fort intéressant. Adam Smith ne s’y est pas confiné dans les limites de l’économie politique, il s’est placé à un point de vue plus élevé, celui du professeur qui avait étudié, sous toutes ses faces l’histoire de la Civilisation, et il a mis en parallèle, non seulement les considérations relatives à l’accroissement du bien-être et de la richesse publique, mais encore les considérations supérieures de la morale, tout en modifiant parfois la rigueur de ses conclusions spéculatives par les enseignements de l’histoire ou les nécessités de la politique. Il avait compris, en effet, que, pour apprécier les besoins généraux d’une nation et les moyens de les

  1. Rich., liv. IV, ch. IX (t. II, p. 338).