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institution positive et que la distribution de ces secours doit être réservée à l’initiative privée : la charité légale a en elle-même de grands dangers, tant au point de vue purement économique qu’au point de vue social. Dans le cours de toute son œuvre, le célèbre philosophe a cherché à prévenir la misère en dévoilant ses causes et il a reconnu que, d’une, manière générale, chaque fois que, sous un prétexte quelconque, l’État intervient dans la répartition des richesses, il va toujours à l’encontre du but qu’il se propose d’atteindre. Spécialement, en ce qui concerne l’assistance, son expérience du cœur humain lui a parfaitement fait sentir qu’en voulant remédier à cette plaie sociale du paupérisme, l’État ne fait que l’entretenir et même l’aggraver, car, loin de mettre en œuvre la responsabilité individuelle qui est le véritable ressort de la production, la charité légale tend à l’affaiblir et à la supprimer.

D’ailleurs, si on reconnaît au gouvernement le devoir de soulager les malheureux, on reconnaît par là même aux malheureux un droit corrélatif à être soulagés, un droit à l’assistance, Et si, par un défaut de logique, on n’admet pas expressément ce droit, il n’en résultera pas moins que le misérable, en envisageant ce devoir de l’État, se considérera dorénavant comme certain d’être secouru : tout sentiment de prévoyance s’éteindra alors dans la masse des esprits faibles, naturellement trop disposés déjà à se laisser aller aux jouissances actuelles, sans souci du lendemain. Il faut donc abandonner la bienfaisance à l’initiative des particuliers et des associations charitables, toujours prête à l’effort et à l’abnégation, et toujours plus vive d’ailleurs lorsqu’elle est livrée à ses propres forces, lorsqu’elle se sent libre de toute attache officielle. Elle seule peut soulager le mal avec efficacité, car son action n’implique aucun droit correspondant du malheureux, elle ne donne à celui-ci aucune certitude qui puisse énerver sa responsabilité, enfin elle exerce même sur les esprits une influence fort heureuse en établissant entre les bienfaiteurs et les obligés ces rapports directs si moralisateurs que l’intervention d’un être abstrait est impuissante à faire naître.


Nous acceptons donc dans toute sa rigueur la doctrine gou-