Page:Delatour - Adam Smith sa vie, ses travaux, ses doctrines.djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

être un triomphe national, et il fut d’autant plus vif que l’auteur défendait chaleureusement la cause du commerce et de l’industrie qui faisaient la gloire et la richesse de l’Angleterre, repoussant cette épithète de travail stérile que leur avaient maladroitement appliquée les physiocrates et qui était devenue blessante pour avoir été mal comprise.


Le succès des Recherches prit donc immédiatement un caractère général, et, quels qu’en fussent les divers motifs, il était absolument mérité.

Hume se montra heureux de la faveur qui accueillait le Traité de son ami, plus heureux même que s’il se fût agi d’un de ses propres livres, et, sur son lit de douleur, il voulut être le premier à féliciter l’auteur :

« Très bien ! bravo ! mon cher monsieur Smith, lui écrit-il dès le 1er avril 1776 ; votre ouvrage m’a fait le plus grand plaisir, et, en le lisant, je suis sorti d’un état d’anxiété pénible. C’était un ouvrage dont l’attente tenait si fort en suspens et vous-même, et vos amis, et le public, que je tremblais de le voir paraître ; mais enfin je suis soulagé. Ce n’est pas qu’en songeant combien cette lecture exige d’attention et combien peu le public est disposé à en accorder, je ne doive douter encore quelque temps du premier souffle de la faveur populaire. Mais on y trouve de la profondeur, de la solidité, des vues fines, une multitude de faits curieux : de tels mérites doivent tôt ou tard fixer l’attention publique. Il est probable que votre dernier séjour à Londres a contribué à perfectionner cette production. Si vous étiez là, au coin, de mon feu, je vous contesterais quelques-uns de vos principes… Mais tout cela, et cent autres points, ne peuvent être discutés qu’en conversation. J’espère que ce sera dans peu, car l’état de ma santé est fort mauvais et ne peut vous accorder un long délai. »

Malheureusement les deux amis ne devaient plus se revoir. Hume était atteint d’une dysenterie incurable, et, se sentant près de sa fin, il écrivit quelques mois plus tard à Adam Smith