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pour lui faire ses dernières recommandations au sujet de la publication de ses Dialogues. Lord Brougham a publié la réponse de l’auteur de Recherches et nous croyons devoir la traduire ici, car elle nous éclaire sur l’affection toujours croissante que le philosophe de Glasgow professait pour le grand historien. À un autre point de vue d’ailleurs, elle est aussi fort curieuse, en ce qu’elle montre Adam Smith soumettant en quelque sorte à son ami mourant les grands traits de l’apologie qu’il comptait faire de lui après son décès :


Kirkaldy, 22 août 1776.


Mon plus cher ami,


Je reçois à l’instant votre lettre du 15 courant. Afin de m’économiser la somme d’un penny-sterling, vous l’avez envoyée par le messager au lieu de me la faire parvenir par la poste, et, si vous ne vous êtes pas trompé de date, elle est restée chez lui pendant huit jours et elle aurait pu fort bien, je crois, y rester indéfiniment.

Je serai très heureux de recevoir une copie de vos Dialogues, et, s’il arrivait que je mourusse avant qu’ils soient publiés, j’aurai pris soin que cette copie soit préservée aussi soigneusement que si je devais vivre cent ans.

Quant à m’en laisser la propriété dans le cas où ils ne seraient pas édités dans les cinq années qui suivraient votre décès, vous pouvez faire ce que vous jugerez préférable. Je pense, toutefois, que vous ne devez pas menacer Strahan d’une perte quelconque dans le cas où il ne publierait pas votre œuvre dans un délai fixé. Il n’est pas du tout probable qu’il la néglige, et si quelque chose pouvait la lui faire négliger, ce serait une clause de cette nature qui lui donnerait un prétexte honorable. On dirait alors que j’ai publié seulement en vue d’un profit et non par respect pour la mémoire de mon ami, ce qu’un imprimeur même n’avait pas édité pour le même bénéfice. Strahan est suffisamment zélé : vous le verrez par la lettre ci-jointe que je vous prie de vouloir bien me retourner, mais par la poste et non par le messager.

Si vous voulez me le permettre, j’ajouterai quelques lignes au récit que vous avez fait de votre propre vie, en rendant compte de la manière dont vous vous êtes comporté dans cette maladie, si, contrairement à mon espoir, elle devait être la dernière. Quelques conversations que nous avons eues dernièrement ensemble, notamment en ce qui concerne le manque d’excuses à donner à Caron, le prétexte auquel nous avions pensé à la fin et la très mauvaise réception qui