Page:Delaunay - Le monde médical parisien au dix-huitième siècle.djvu/195

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L’abbé Desfontaines, dans ses Observations sur les écrits modernes[1], félicita spirituellement Maloët de cette reculade : « Si la chirurgie était incertaine de sa nature, comme M. Maloët l’a soutenu dans sa thèse et comme il le soutient encore dans sa lettre, sur quoi pourrait-il conclure (ce qu’il fait très imprudemment), que le chirurgien dans ses opérations, doit toujours être guidé par le médecin ? Par quel privilège le médecin seroit-il plus sûr, par rapport à l’art prétendu incertain de la chirurgie, que le chirurgien lui-même ? À quoi serviroit d’obliger un aveugle de se laisser conduire par un autre aveugle ? »

M. Quesnay, l’un des aveugles de Saint-Côme, et des plus enragés, trouva les intentions du docteur Procope fort suspectes ; ce médiateur conciliant prêchait la soumission aux chirurgiens pour faire la paix à leurs dépens, et la Faculté avait beau renier les maladresses et les exagérations des Maloët et des Santeul, elle n’en restait pas moins l’ennemie née des chirurgiens. Hunauld pourtant, excédé, comme Procope, de toutes ces disputes, écrivit le Bâillon, pour imposer silence au rétrograde Maloët, au fougueux Santeul, aux chirurgiens clabaudants ; il ne réussit qu’à se faire tancer par un chirurgien d’Orléans, qui le priait de ramasser son « haillon » et de se taire.

Le public s’amusait de ces disputes, et les épigrammes couraient :

Sur son cheval Jean se ruait,
Contre Jean, le cheval ruait,
Et tous deux écumaient de rage.
Mathurin qui par là passait
Dit à l’homme, qu’il connaissait :
Eh ! Jean, montrez-vous le plus sage ![2]

C’est alors qu’on vit s’avancer, pour mater la Rossinante chirurgicale, un écuyer redoutable, qui n’avait que quatre-vingt-huit ans. Ce « Don Quichotte de la Faculté » s’appelait Nicolas Andry ; il établit, dans ses propos de Cléon à Eudoxe, une série de propositions inattaquables, qui affirmaient, démontraient et consacraient la supériorité médicale : 1o. Les chirurgiens ont em-

  1. Octobre 1736, p. 307 et suiv.
  2. Lettres sur les disputes des médecins et des chirurgiens.