Page:Delavigne - Œuvres complètes, volume 4, Didot, 1881.djvu/19

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Sous les voûtes du Louvre ils marchent à pas lents :
Ils s’arrêtent devant ses portes ;
Viennent-ils lui ravir ses sacrés ornements ?

Muses, penchez vos têtes abattues :
Du siècle de Léon les chefs-d’œuvre divins
Sous un ciel sans clarté suivront les froids Germains ;
Les vaisseaux d’Albion attendent nos statues.
Des profanateurs inhumains
Vont-ils anéantir tant de veilles savantes ?
Porteront-ils le fer sur les toiles vivantes
Que Raphaël anima de ses mains ?

Dieu du jour, dieu des vers, ils brisent ton image.
C’en est fait : la victoire et la divinité
Ne couronnent plus ton visage
D’une double immortalité.
C’en est fait : loin de toi jette un arc inutile.
Non, tu n’inspiras point le vieux chantre d’Achille ;
Non, tu n’es pas le dieu qui vengea les neuf sœurs
Des fureurs d’un monstre sauvage,
Toi qui n’as pas un trait pour venger ton outrage
Et terrasser tes ravisseurs.

Le deuil est aux bosquets de Gnide.
Muet, pâle et le front baissé,
L’amour, que la guerre intimide,
Éteint son flambeau renversé.
Des grâces la troupe légère
L’interroge sur ses douleurs :
Il leur dit en versant des pleurs :
« J’ai vu Mars outrager ma mère.[1] »

  1. La Vénus de Médicis