Page:Delavigne - Œuvres complètes, volume 4, Didot, 1881.djvu/37

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Sans accourir pour le venger,
Le frère voit frapper son frère ;
Aux tyrans qu’il n’attendait pas
Le vieillard livre le repas
Qu’il a dressé pour sa famille ;
Et la mère, au bruit de leurs pas,
Maudit la beauté de sa fille.

« Le lévite est en proie à leur férocité ;
Ils flétrissent la fleur de son adolescence,
Ou, si d’un saint courroux son cœur s’est révolté,
Chaste victime, il tombe avec son innocence
Sous le bâton ensanglanté.

« Les rois, quand il faut nous défendre,
Sont avares de leurs soldats.
Ils se disputent des états,
Des peuples, des cités en cendre ;
Et tandis que, sous les couteaux,
Le sang chrétien, à longs ruisseaux,
Inonde la terre où nous sommes,
Comme on partage des troupeaux,
Les rois se partagent des hommes.

« Un récit qui s’efface, ou quelques vains discours,
À des indifférents parlent de nos misères,
Amuse de nos pleurs l’oisiveté des cours :
Et nous sommes chrétiens, et nous avons des frères,
Et nous expirons sans secours !

« L’oiseau des champs trouve un asile
Dans le nid qui fut son berceau,
Le chevreuil sous un arbrisseau,
Dans un sillon le lièvre agile ;
Effrayé par un léger bruit,
Le ver qui serpente et s’enfuit