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Page:Delavigne - Œuvres complètes, volume 4, Didot, 1881.djvu/38

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Sous l’herbe ou la feuille qui tombe,
Échappe au pied qui le poursuit…
Notre asile à nous, c’est la tombe !

« Heureux qui meurt chrétien ! Grand dieu, leur cruauté
Veut convertir les cœurs par le glaive et les flammes
Dans le temple où tes saints prêchaient la vérité,
Où de leur bouche d’or descendaient dans nos âmes
L’espérance et la charité.

« Sur ce rivage, où des idoles
S’éleva l’autel réprouvé,
Ton culte pur s’est élevé
Des semences de leurs paroles.
Mais cet arbre, enfant des déserts,
Qui doit ombrager l’univers,
Fleurit pour nous sur des ruines,
Ne produit que des fruits amers,
Et meurt tranché dans ses racines.

« Ô dieu, la Grèce libre en ses jours glorieux
N’adorait pas encor ta parole éternelle ;
Chrétienne, elle est aux fers, elle invoque les cieux.
Dieu vivant, seul vrai dieu, feras-tu moins pour elle
Que Jupiter et ses faux dieux ? »

Il chantait, il pleurait, quand d’une tour voisine
Un musulman se lève, il court, il est armé.
Le turban du soldat sur son mousquet s’incline,
L’étincelle jaillit, le salpêtre a fumé,
L’air siffle, un cri s’entend… L’hymne pieux expire.
Ce cri, qui l’a poussé ? Vient-il de ton esquif ?
Est-ce toi qui gémis, Lévite ? Est-ce ta lyre
Qui roule de tes mains avec ce bruit plaintif ?
Mais de la nuit déjà tombait le voile sombre ;
La barque, se perdant sous un épais brouillard,