Page:Delavigne - Œuvres complètes, volume 4, Didot, 1881.djvu/44

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Voyez-vous quelquefois les nymphes des forêts
Entr’ouvrir l’écorce des chênes ?
Bacchus vient-il encor féconder vos coteaux ?
Ce gazon que rougit le sang d’un sacrifice,
Est-ce un autel aux dieux des champs et des troupeaux ?
Est-ce le tombeau d’Eurydice ? »

Mais le pâtre répond par ses gémissements :
C’est sa fille au cercueil qui dort sous ces bruyères ;
Ce sang qui fume encor, c’est celui de ses frères
Égorgés par les musulmans.

O sommets de Taygète, ô rives du Pénée,
De la sombre Tempé vallons silencieux,
Ô campagnes d’Athène, ô Grèce infortunée,
Où sont pour t’affranchir tes guerriers et tes dieux ?

« Quelle cité jadis a couvert ces collines ?
Sparte, répond mon guide… » Eh quoi ! Ces murs déserts,
Quelques pierres sans nom, des tombeaux, des ruines,
Voilà Sparte, et sa gloire a rempli l’univers !
Le soldat d’Ismaël, assis sur ces décombres,
Insulte aux grandes ombres
Des enfants d’Hercule en courroux.
N’entends-je pas gémir sous ces portiques sombres ?
Mânes des trois cents, est-ce vous ?…

Eurotas, Eurotas, que font ces lauriers-roses
Sur ton rivage en deuil, par la mort habité ?
Est-ce pour faire outrage à ta captivité
Que ces nobles fleurs sont écloses ?
Non, ta gloire n’est plus ; non, d’un peuple puissant
Tu ne reverras plus la jeunesse héroïque
Laver parmi tes lis ses bras couverts de sang,
Et dans ton cristal pur sous ses pas jaillissant
Secouer la poudre olympique.