N’invoquez pas les vents, insensés que vous êtes !
Leur souffle aime à flétrir la palme des poètes,
Tandis qu’il mûrit les poisons !
N’invoquez pas les flots des fontaines sacrées ;
Ils brûlent tôt ou tard les lèvres inspirées
Pour qui semblaient couler leurs dons !
N’invoquez pas les dieux ; ils dorment ; la mort veille.
Pour peu qu’un bruit de gloire ait dénoncé vos jours
À son impitoyable oreille,
La mort entend ; les dieux sont sourds !
Il n’est plus ! Il n’est plus ! Toi, qui fus sa patrie,
Pleure, ingrate Albion : l’exil paya ses chants.
Berceau de ses aïeux[1], pleure, antique Neustrie ;
Corneille et lui sont tes enfants.
Et toi que son trépas livre sans espérance
Aux chaînes des tyrans qu’auraient punis ses vers,
Pleure, esclave ; son luth consolait ta souffrance ;
Son glaive aurait brisé tes fers !
Les Grecs le vengeront, ils l’ont juré : la gloire
Prépare les funèbres jeux
Qu’ils vont offrir à sa mémoire.
Qu’ils marchent, que son cœur repose au milieu d’eux,
Enseveli par la victoire.
Alors avec le fer du croissant abattu
Ils graveront sur son dernier asile :
« Ô sort ! Que ne l’épargnais-tu !
Il chantait comme Homère, il fût mort comme Achille. »
Ah ! Quels que soient les lieux par sa tombe illustrés,
Temple de la vertu, des arts, de la vaillance,
Dont Londre est fière encore et qu’a perdu la France,
- ↑ La famille de lord Byron est originaire de Normandie ; ses aïeux suivirent en Angleterre Guillaume le Conquérant.