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Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/43

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ont fait souvent un effort pénétrant pour l’entendre ; heureusement pour l’influence de sa philosophie, Kant eut dès l’abord d’autres antagonistes que ces wolffiens attardés et ces philosophes populaires, plus déconcertés qu’instruits par la grande nouveauté ou la technique rigoureuse de sa pensée ; il eut aussi, non moins heureusement, d’autres disciples que des adhérents serviles ou passifs, plus faits pour mettre les idées en forme que pour en atteindre le sens caché. La spéculation allemande de la fin du xviiie siècle a commencé par être pour une large part une réflexion sur le Kantisme, et c’est cette réflexion qui l’a mise en mouvement. Or il semble que cette réflexion ait été attirée principalement par deux notions du Kantisme historique et littéral, — dont l’une était l’obscure affirmation de la chose en soi, — dont l’autre était l’acceptation du dualisme de la matière et de la forme, de l’impuissance de l’élément formel à se constituer à lui-même son contenu matériel, des limites strictes du principe de l’unité synthétique de l’aperception, condamné à subir un inexplicable donné, empêché d’étendre et de porter à l’absolu sa puissance propre d’explication et de production. Entre ces deux notions ou ces deux aspects du Kantisme il y a au reste un très étroit rapport, et il semble en effet que du maintien ou de la suppression de la chose en soi dépende la restriction forcée ou l’extension illimitée des droits du « Je pense ».

Incontestablement le rôle que joue la chose en soi dans le système de Kant constitue une difficulté et un problème : difficulté et problème qui s’aggravent du fait que, dans la terminologie kantienne, avec l’expression de « chose en soi »,