Page:Delbos - La Philosophie pratique de Kant.djvu/25

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE PREMIER


LES ANTÉCÉDENTS DE LA PHILOSOPHIE PRATIQUE DE KANT
LE PIÉTISME ET LE RATIONALISME


Les préoccupations spirituelles et les questions philosophiques auxquelles la morale kantienne est venue répondre ne peuvent être mises en pleine lumière, si l’on se borne à en dégager le sens universel, hors du milieu et du moment, ou si l'on en réduit la portée à l’expression de simples tendances personnelles. Il n’est du reste pas possible de découvrir l’action du génie et du caractère propres de Kant dans son œuvre, sans remarquer que les deux grandes influences qui ont contribué à former son caractère et préparé l’éclosion de son génie sont celles-là mêmes qui ont le plus profondément renouvelé la conscience et la pensée de l’Allemagne pendant la plus grande partie du XVIIIe siècle, à savoir l’influence du piétisme et celle du rationalisme. Si Kant a été l’initiateur d’une des plus hardies réformes qui aient été tentées pour la solution des problèmes pratiques aussi bien que des problèmes théoriques, ce n’est pas pour n’avoir point reçu les leçons de son temps, c’est pour les avoir reçues d’un esprit plus ferme, plus pénétrant et plus libre. Par là il s’est assigné une tâche infiniment plus haute que celle de constater des conflits extérieurs ou de poursuivre des conciliations factices d’idées : il a employé toute sa puissance de réflexion, de critique et d’organisation à démêler les causes permanentes dont découlent, avouées ou dissimulées, d’essentielles contradictions, à justifier les principes dont l’usage