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LES FABLES
LA CIGALE ET LA FOURMI


Le fourmy en esté portoit dans sa cassine
Quelque grain de froment : pendant le vint trouver
La cigale, et commence a se rire et se jouer
Du fourmy qui d’ahan ployoit sa tendre eschine.

Quand l’hiver fut vêtu de neige et de bruine,
Elle vint du fourmy la prudence louer,
Et près de son grenier a traicts d’ailes rouer,
Flatant, comme celuy qui pour son pain coquine.

Hé ! qu’as-tu fait (dit lors le fourmy) en esté ?
J’ay, dit-elle, en chantant mon desir contenté :
Or, va donc maintenant (dit le fourmy) et dance.

Celuy qui paresseux ne cueille quelque bien
Endementiers qu’il a le temps et le moyen,
S’il meurt de faim après, c’est juste recompense.

(François Perrin, ap Charmasse.
François Perrin et sa vie. 60.)


Pour Saint Ambroise, la cigale est l’emblème de l’homme qui passe sa vie dans l’insouciance et les plaisirs :

« Vere sunt sicut cicadæ qui de die in diem vivunt, quæstuque rumpuntur suo. Quid enim aliud sunt homines nullius ponderis, nisi videantur sicut cica-