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UNE NUIT DANS LA CITÉ DE LONDRES.

Il était une heure du matin, et les inspecteurs me prévinrent que nous allions maintenant assister au second acte de la triste comédie dont nous avions vu représenter le premier au Coq of Neptune et dans les autres tavernes ; c’est-à-dire que les femmes, après avoir enivré les matelots et les avoir rendus incapables de se défendre, les avaient emmenés chez elles pour achever de les dévaliser à l’aide de leurs amis, voleurs de profession qui leur prêtent main forte à l’occasion. Quant à ceci, mon cher ami, je ne puis vraiment pas vous raconter les scènes d’intérieur dont j’ai été le témoin ; la parole vaut mieux que la plume pour ces récits, et je vous promets de ne vous épargner aucuns détails, s’ils vous intéressent, quand je vous reverrai. À un moment seulement où nous causions sur le trottoir entre deux visites, un bruit de voix confus arriva à nos oreilles, et nous vîmes deux policemen accourir et se diriger vers une ruelle appelée Glass-House street. Les suivre fut notre mouvement simultané, et en débouchant vers ce petit couloir, nous tombâmes au milieu des plus sauvages cris, des plus incroyables imprécations du monde ; leur origine et leur motif remontait à un vol commis sur un vieux bonhomme, ivre lui-même au milieu de la rue, et auquel s’adressaient les injures et les vociférations. Ce pauvre homme, fort peu à plaindre au fond, avait été emmené et volé par une de ces aimables jeunes personnes, et cherchait à reconnaître celle qui l’avait dépouillé, peine parfaitement inutile, ce qui avait excité au plus haut point la joie et la gaieté du public. Peu à peu, elles s’étaient mutuellement accusées du vol, et au moment où nous survînmes avec les policemen, c’était un feu roulant de grossièretés comme je défie qu’on en puisse souvent entendre. De toutes les fenêtres sortaient des têtes de femmes à peine vêtues, prenant part à la querelle ; il pleuvait à torrents, et plusieurs, afin d’être mieux à même d’insulter leur victime, étaient descendues pour ainsi dire nues sur la chaussée ; les réverbères éclairaient d’une teinte blafarde toutes ces apparitions, qu’on aurait pu prendre pour des figures de folles furieuses, et la venue des policemen ne ralentit nullement le vacarme. Après avoir vainement cherché à obtenir du volé, qui refusait de porter plainte tout en réclamant, des renseignements afin de lui venir en aide, le policeman finit par lui dire :

Hang yourself, ce qui peut se traduire librement par : « Allez vous faire pendre ailleurs ! » Et comme, après tout, la tranquillité publi-