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UNE NUIT DANS LA CITÉ DE LONDRES.

que n’était pas troublée, nous nous éloignâmes sans rien ajouter… Après des inspections nombreuses dans de singulières maisons où nous retrouvâmes presque tous les acteurs des scènes que j’ai essayé de vous retracer, l’heure de trois heures et demie ne tarda pas à venir, et mes initiateurs me dirent qu’ils m’avaient montré des échantillons de tout ce que Londres contient la nuit dans ces quartiers lointains. Si vous n’êtes pas satisfait, ajoutèrent-ils, nous sommes prêts à vous introduire où il vous plaira d’aller ; mais vous ne verrez rien de nouveau ; nous allons seulement passer par le Pavillon Room’s, qui doit être encore ouvert. Et en effets le Pavillon Room’s contenait, malgré l’heure avancée, quelques buveurs acharnés, parmi lesquels un nommé Burges, sorte de chanteur qui nous débita deux romances de sa composition fort spirituelles au milieu de leur cynisme, accompagné sur le piano par un vieux brigand à moustaches grisonnantes, qui frappait comme un sourd sur le pauvre instrument éclopé, seul orchestre de l’établissement.

Le second acte était donc terminé dans ma promenade nocturne ; sachez-moi gré de vous en éviter les détails fort grossièrement prosaïques et conséquences naturelles des plaisirs auxquels j’avais assisté pendant la première moitié de la soirée. Il ne me restait donc plus qu’à tirer une conclusion matérielle de mes courses, et je demandai ce que devenaient les hôtes des tavernes quand l’ivresse ou les mauvais traitements les avait attardés : « Vous allez le savoir, » fut la réponse, et la sonnette d’une maison fort propre résonna, vigoureusement tirée par l’inspecteur P***. Un policeman vint ouvrir, et nous nous trouvâmes à la station de police de la circonscription de White-Chapel. Une sorte de parloir fort propre, avec une table et des registres ouverts, attendait les prises de la nuit. Des jurements fort significatifs partant de cellules grillagées et garnies de barreaux, indiquaient suffisamment que la nuit avait été fructueuse ; on me pria de ne pas m’approcher trop des cellules, parce que les prisonniers étaient ce jour-là d’une nature turbulente (sic) ; et en effet je vis, au travers du grillage, des visages en tout semblables à ceux de l’American Wizard ou du Coq of Neptune. On me montra en grand détail le livre d’écrous, et la manière dont les prévenus étaient enregistrés ; mais ceci rentrait dans la vie ordinaire et m’intéressa beaucoup moins ; aussi, je raccourcis ma visite et me disposais à sortir, lors-