Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/106

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Jusqu’au sommet des monts lance la mer profonde,
Et tourmente en courant les airs, la terre et l’onde :
De là sous d’autres champs ces champs ensevelis,
Ces monts changeant de place, et ces fleuves de lits ;
Et la terre sans fruits, sans fleurs et sans verdure,
Pleure en habits de deuil sa riante parure.
Non moins impétueux et non moins dévorans,
Les feux ont leur tempête et l’Etna ses torrens.
La terre dans son sein, épouvantable gouffre,
Nourrit de noirs amas de bitume et de soufre,
Enflamme l’air et l’onde, et de ses propres flancs
Sur ses fruits et ses fleurs vomit des flots bouillans :
Emblème trop frappant des ardeurs turbulentes,
Dans le volcan de l’ame incessamment brûlantes,
Et qui, sortant soudain de l’abyme des cœurs,
Dévorent de la vie et les fruits et les fleurs.
Ces rocs tout calcinés, cette terre noirâtre,
Tout d’un grand incendie annonce le théâtre.
Là grondoit un volcan : ses feux sont assoupis ;
Flore y donne des fleurs et Cérès des épis.
Sur l’un de ses côtés son désastre s’efface,
Mais la pente opposée en garde encor la trace.
C’est ici que la lave en longs torrens coula ;
Voici le lit profond où le fleuve roula,
Et plus loin à longs flots sa masse répandue
Se refroidit soudain et resta suspendue.