Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/139

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La poësie encore, avec art mensongère,
Ne peut-elle prêter une ame imaginaire ?
Tout semble concourir à cette illusion.
Voyez l’eau caressante embrasser le gazon,
Ces arbres s’enlacer, ces vignes tortueuses
Embrasser les ormeaux de leurs mains amoureuses,
Et, refusant les sucs d’un terrain ennemi,
Ces racines courir vers un sol plus ami.
Ce mouvement des eaux et cet instinct des plantes
Suffit pour enhardir vos fictions brillantes ;
Donnez-leur donc l’essor. Que le jeune bouton
Espère le zéphire, et craigne l’aquilon ;
A ce lys altéré versez l’eau qu’il implore :
Formez dans ses beaux ans l’arbre docile encore :
Que ce tronc, enrichi de rameaux adoptés,
Admire son ombrage et ses fruits empruntés ;
Et, si le jeune cep prodigue son feuillage,
Demandez grâce au fer en faveur de son âge.
Alors, dans ces objets croyant voir mes égaux,
La douce sympathie à leurs biens, à leurs maux,
Trouve mon cœur sensible, et votre heureuse adresse
Me surprend pour un arbre un moment de tendresse.
Il est d’autres secrets : quelquefois à nos yeux
D’aimables souvenirs embellissent les lieux.
J’aime en vos vers ce riche et brillant paysage ;
Mais si vous ajoutez : « Là de mon premier âge