Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/140

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« Coulèrent les momens ; là je sentis s’ouvrir
« Mes yeux à la lumière, et mon cœur au plaisir : »
Alors vous réveillez un souvenir que j’aime ;
Alors mon cœur revole au moment où, moi-même,
J’ai revu les beaux lieux qui m’ont donné le jour.
O champs de la Limagne ! ô fortuné séjour !
Hélas ! J’y revolois après vingt ans d’absence :
A peine le mont-d’or, levant son front immense,
Dans un lointain obscur apparut à mes yeux,
Tout mon cœur tressaillit ; et la beauté des lieux,
Et les riches coteaux et la plaine riante,
Mes yeux ne voyoient rien ; mon ame impatiente,
Des rapides coursiers accusant la lenteur,
Appeloit, imploroit ce lieu cher à mon cœur.
Je le vis ; je sentis une joie inconnue :
J’allois, j’errois ; par tout où je portois la vue,
En foule s’élevoient des souvenirs charmans.
Voici l’arbre témoin de mes amusemens :
C’est ici que Zéphir de sa jalouse haleine
Effaçoit mes palais dessinés sur l’arène :
C’est là que le caillou, lancé dans le ruisseau,
Glissoit, sautoit, glissoit, et sautoit de nouveau.
Un rien m’intéressoit. Mais avec quelle ivresse
J’embrassois, je baignois de larmes de tendresse,
Le vieillard qui jadis guida mes pas tremblans,
La femme dont le lait nourrit mes premiers ans,