Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/144

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Mais, malgré ces travaux, trop heureux si toujours
Vous aviez à chanter les beaux lieux, les beaux jours !
Mais lorsque vous dictez des préceptes rustiques,
C’est là qu’il faut ouvrir vos trésors poëtiques :
Un précepte est aride ? Il le faut embellir ;
Ennuyeux ? L’égayer ; vulgaire ? L’ennoblir.
Quelquefois, des leçons interrompant la chaîne,
Suspendez votre course ; et, reprenant haleine,
Au lecteur fatigué présentez à propos
D’un épisode heureux l’agréable repos.
Homère, en décrivant les soins du labourage,
Offre de ce précepte une charmante image.
Chaque fois que du bœuf pressé de l’aiguillon
Le conducteur, lassé, touche au bout du sillon,
Chaque fois d’un vin pur abreuvé par son maître,
Il retourne gaîment à son labour champêtre.
Ainsi, par la douceur de vos digressions,
Faites boire l’oubli des austères leçons ;
Puis, suivez votre course un instant suspendue,
Et de votre sujet parcourez l’étendue.
Mais pourquoi ces conseils tracés si longuement ?
Ah ! Pour toute leçon j’aurois dû seulement
Dire, lisez Virgile : avec quelle harmonie
Aux rustiques travaux il instruit l’Ausonie !
De la scène des champs s’il m’offre le tableau,
Que ses pinceaux sont vrais ! Le limpide ruisseau,