Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/55

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Soutient seul mille assauts ; son généreux courroux
Réserve aux plus vaillans ses plus terribles coups.
Sur lui seul à la fois tous ses ennemis fondent ;
Leurs morsures, leurs cris, leur rage se confondent.
Il lutte, il frappe encore : efforts infructueux !
Hélas ! Que lui servit son port majestueux,
Et sa taille élégante et ses rameaux superbes,
Et ses pieds qui voloient sur la pointe des herbes ?
Il chancelle, il succombe, et deux ruisseaux de pleurs
De ses assassins même attendrissent les cœurs.
Permettez-vous ces jeux sans en être idolâtre :
N’imitez point ce fou, chasseur opiniâtre,
Qui ne parle jamais que meute, que chevaux ;
Qui croiroit avilir l’honneur de ses châteaux,
Si de cinquante cerfs les cornes menaçantes
N’ornoient pompeusement ses portes triomphantes ;
Vous conte longuement sa chasse, ses exploits,
Et met, comme le cerf, l’auditeur aux abois.
Êtes-vous de retour sous vos lambris tranquilles ?
Là des jeux moins bruyans, des plaisirs plus utiles,
Vous attendent encore. Aux délices des champs
Associez les arts et leurs plaisirs touchans.
Beaux arts ! Eh, dans quel lieu n’avez-vous droit deplaire ?
Est-il à votre joie une joie étrangère ?
Non ; le sage vous doit ses momens les plus doux :
Il s’endort dans vos bras ; il s’éveille pour vous.