Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/63

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Du peuple réuni présente au ciel les vœux,
Ouvre sur le hameau tous les trésors des cieux,
Soulage le malheur, consacre l’hyménée,
Bénit et les moissons et les fruits de l’année,
Enseigne la vertu, reçoit l’homme au berceau,
Le conduit dans la vie, et le suit au tombeau.
Je ne choisirai point pour cet emploi sublime,
Cet avide intrigant que l’intérêt anime ;
Sévère pour autrui, pour lui-même indulgent ;
Qui pour un vil profit quitte un temple indigent,
Dégrade par son ton la chaire pastorale,
Et sur l’esprit du jour compose sa morale.
Fidèle à son église, et cher à son troupeau,
Le vrai pasteur ressemble à cet antique ormeau
Qui, des jeux du village ancien dépositaire,
Leur a prêté cent ans son ombre héréditaire,
Et dont les verts rameaux, de l’âge triomphans,
Ont vu mourir le père et naître les enfans.
Par ses sages conseils, sa bonté, sa prudence,
Il est pour le village une autre providence :
Quelle obscure indigence échappe à ses bienfaits ?
Dieu seul n’ignore pas les heureux qu’il a faits.
Souvent dans ces réduits où le malheur assemble
Le besoin, la douleur et le trépas ensemble,
Il paroît ; et soudain le mal perd son horreur,
Le besoin sa détresse, et la mort sa terreur.