Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/64

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Qui prévient le besoin, prévient souvent le crime.
Le pauvre le bénit, et le riche l’estime ;
Et souvent deux mortels, l’un de l’autre ennemis,
S’embrassent à sa table et retournent amis.
Honorez ses travaux. Que son logis antique,
Par vous rendu décent et non pas magnifique,
Au dedans des vertus renfermant les trésors,
D’un air de propreté s’embellisse au dehors :
La pauvreté dégrade, et le faste révolte.
Partagez avec lui votre riche récolte ;
Ornez son sanctuaire et parez son autel.
Liguez-vous saintement pour le bien mutuel :
Et quel spectacle, ô dieu, vaut celui d’un village
Qu’édifie un pasteur, et que console un sage ?
Non, Rome subjuguant l’univers abattu,
Ne vaut pas un hameau qu’habite la vertu,
Où les bienfaits de l’un, de l’autre les prières,
Sont les trésors du pauvre et l’espoir des chaumières.
Il est dans le village une autre autorité,
C’est des fils du hameau le pédant redouté.
Muse, baisse le ton, et sans être grotesque,
Peins des fils du hameau le mentor pédantesque.
Bientôt j’enseignerai comment un soin prudent
Peut de ce grave emploi seconder l’ascendant.
Mais le voici : son port, son air de suffisance,
Marquent dans son savoir sa noble confiance.