Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/66

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Plus pâles, plus tremblans encor que son feuillage.
Tel, ô doux chanonat, sur ton charmant rivage,
J’ai vu, j’ai reconnu, j’ai touché de mes mains,
Cet arbre dont s’armoient mes pédans inhumains,
Ce saule, mon effroi, mon bienfaiteur peut-être.
Des enfans du hameau tel est le grave maître.
En secondant ses soins rendez-le plus soigneux.
Rien n’est vil pour le sage ; un sot est dédaigneux.
Il faut dans les emplois, quoique l’orgueil en pense,
Aux grands la modestie, aux petits l’importance.
Encouragez-le donc ; songez que dans ses mains
Du peuple des hameaux reposent les destins,
Et, rendant à ses yeux son office honorable,
Laissez-le s’estimer pour qu’il soit estimable.
Et quel spectacle encor ne vous offriront pas
Tous ces groupes d’enfans, leurs courses, leurs ébats !
Sans doute on aime à voir la sagesse mûrie,
De ses fruits déjà prêts enrichir la patrie :
Mais quel sage peut voir sans un attrait flatteur
La vie encor naissante et l’homme encore en fleur ?
C’est là que l’homme est lui, que nul art ne déguise
De ses premiers penchans la naïve franchise.
L’un, docile et traitable après le châtiment,
Laisse appaiser d’un mot son court ressentiment ;
Il essuie en riant une dernière larme ;
Un affront l’irritoit, un souris le désarme