Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/78

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Cependant n’allez pas, trop superstitieux,
Suivre servilement les pas de vos ayeux ;
Créant à l’art des champs de nouvelles ressources,
Tentez d’autres chemins, ouvrez-vous d’autres sources.
Eh ! Qui sait quels succès attendent vos travaux ?
Combien l’art parmi nous conquit de fruits nouveaux !
Dans nos champs étonnés que de métamorphoses !
Sur un simple buisson jadis naissoient les roses,
Et le pommier dans l’air déployoit ses rameaux :
Le rosier maintenant, ô prodiges nouveaux !
Elève vers les cieux sa tête enorgueillie,
Et sur des arbres nains la pomme est recueillie.
Que de fleurs parmi nous, fières de leurs rayons,
Ont accru leurs honneurs et doublé leurs festons !
Osez plus : appelez les familles lointaines,
Et mariez leur race aux races indigènes.
Pourtant n’imitez pas cet amateur fougueux
Qui hait tous nos trésors : l’arbre le plus pompeux
Lui déplaît s’il n’est pas nourrisson de l’Afrique,
Ou naturel de l’Inde, ou colon d’Amérique.
Ainsi, quand de Paris les inconstans dégoûts
De Londres, sa rivale, adoptèrent les goûts,
La scène, les salons, et la cour et la ville,
Tout paya son tribut à cette humeur servile.
Devenus, d’inventeurs, copistes mal-adroits,
Nos arts dépaysés méconnurent leurs droits.