Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/77

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Enviant à ses soins un si beau privilège,
Un voisin accusa son art de sortilège.
Cité devant le juge, il étale à ses yeux
Sa herse, ses râteaux, ses bras laborieux ;
Raconte par quels soins son adresse féconde
A su changer la terre, a su diriger l’onde.
Voilà mon sortilège et mes enchantemens,
Leur dit-il. Tout éclate en applaudissemens :
On l’absout ; et son art, doux charme de sa vie,
Comme d’un sol ingrat, triompha de l’envie.
Imitez son secret : que votre art souverain
Corrige la nature et change le terrain.
Augmentez, propagez les richesses rustiques,
Et joignez votre exemple aux usages antiques.
Pourtant des nouveautés amant présomptueux,
N’allez pas vous bercer d’essais infructueux ;
Gardez-vous d’imiter ces docteurs téméraires,
Hardis blasphémateurs des travaux de leurs pères.
Laissez là ces projets recueillis par Rozier,
Beaux dans le cabinet, féconds sur le papier,
Des semeurs citadins l’élégante méthode,
Leurs modernes semoirs, leur charrue à la mode,
Leur ferme en miniature, enfin tous les secrets
Qu’admire le mercure et que maudit Cérès.
Des vieux cultivateurs respectant les pratiques,
Laissez à ces docteurs leurs tréteaux dogmatiques.