Page:Delille - Les Jardins, 1782.djvu/17

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Les vainqueurs, dans des parcs ornés par la victoire,
Alloient calmer leur foudre et reposer leur gloire.
La sagesse autrefois habitoit les jardins,
Et d’un air plus riant instruisoit les humains :
Et quand les dieux offroient un élysée aux sages,
Était-ce des palais ? C’étoit de verts bocages ;
C’étoit des prés fleuris, séjour des doux loisirs,
Où d’une longue paix ils goûtoient les plaisirs.

Ouvrons donc, il est temps, ma carrière nouvelle ;
Philippe m’encourage, et mon sujet m’appelle.

Pour embellir les champs simples dans leurs attraits,
Gardez-vous d’insulter la nature à grands frais.
Ce noble emploi demande un artiste qui pense,
Prodigue de génie, et non pas de dépense.
Moins pompeux qu’élégant, moins décoré que beau,
Un jardin, à mes yeux, est un vaste tableau.
Soyez peintre. Les champs, leurs nuances sans nombre,
Les jets de la lumière, et les masses de l’ombre,
Les heures, les saisons, variant tour à tour
Le cercle de l’année et le cercle du jour,
Et des prés émaillés les riches broderies,
Et des riants coteaux les vertes draperies,