Page:Delille - Les Jardins, 1782.djvu/26

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Vous voyez ces vallons et ces coteaux déserts ;
Des différents troupeaux dans les sites divers,
Envoyez, répandez les peuplades nombreuses.
Là, du sommet lointain des roches buissonneuses,
Je vois la chèvre pendre ; ici de mille agneaux
L’écho porte les cris de coteaux en coteaux.
Dans ces prés abreuvés des eaux de la colline,
Couché sur ses genoux, le bœuf pesant rumine
Tandis qu’impétueux, fier, inquiet, ardent,
Cet animal guerrier qu’enfanta le trident
Déploie, en se jouant dans un gras pâturage,
Sa vigueur indomptée et sa grâce sauvage.
Que j’aime et sa souplesse et son port animé !
Soit que dans le courant du fleuve accoutumé,
En frissonnant il plonge, et, luttant contre l’onde,
Batte du pied le flot qui blanchit et qui gronde ;
Soit qu’à travers les prés il s’échappe par bonds ;
Soit que, livrant aux vents ses longs crins vagabonds,
Superbe, l’œil en feu, les narines fumantes,
Beau d’orgueil et d’amour, il vole à ses amantes :
Quand je ne le vois plus, mon œil le suit encor.

Ainsi de la nature épuisant le trésor,