Page:Delille - Les Jardins, 1782.djvu/43

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Et là, fier de sa force et de sa renommée,
Un héros seul avance, et vaut seul une armée.
Tous ces plants différents suivent diverses lois.

Dans les jardins de l’art, notre luxe autrefois
Des arbres isolés dédaignoit la parure :
Ils plaisent aujourd’hui dans ceux de la nature.
Par un caprice heureux, par de savants hasards,
Leurs plants désordonnés charmeront nos regards.
Qu’ils diffèrent d’aspect, de forme, de distance ;
Que toujours la grandeur, ou du moins l’élégance
Distingue chaque tige, ou que l’arbre honteux
Se cache dans la foule, et disparaisse aux yeux.
Mais lorsqu’un chêne antique, ou lorsqu’un vieil érable,
Patriarche des bois, lève un front vénérable,
Que toute sa tribu, se rangeant à l’entour,
S’écarte avec respect, et compose sa cour ;
Ainsi, l’arbre isolé plaît aux champs qu’il décore.

Avec bien plus de choix et plus de goût encore,
Les groupes formeront mille tableaux heureux.
D’arbres plus ou moins forts, et plus ou moins nombreux
Formez leur masse épaisse, ou leurs touffes légères :
De loin l’œil aime à voir tout ce peuple de frères.