Page:Delille - Les Jardins, 1782.djvu/50

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Ces arbres, dont le temps prépare la beauté,
Il dit comme Cyrus : « C’est moi qui les plantai ».
Vous donc, si de vos plants vous êtes maître encore,
Craignez qu’avant le temps ils se pressent d’éclore.
Tel qu’un peintre, arrêtant ses indiscrets pinceaux,
Longtemps dans sa pensée ébauche ses tableaux,
Ainsi de vos dessins méditez l’ordonnance.
Des sites, des aspects connoissez la puissance,
Et le charme des bois aux coteaux suspendus,
Et la pompe des bois dans la plaine étendus.
Ainsi que les couleurs et les formes amies,
Connaissez les couleurs, les formes ennemies.
Le frêne aux longs rameaux dans les airs élancés,
Repousseroit le saule aux longs rameaux baissés.
Le vert du peuplier combat celui du chêne :
Mais l’art industrieux peut adoucir leur haine ;
Et de leur union médiateur heureux,
Un arbre mitoyen les concilie entre eux.
Ainsi, par une teinte avec art assortie,
Vernet de deux couleurs éteint l’antipathie.
Connaissez donc l’emploi de ces différents verts,
Brillants ou sans éclat, plus foncés ou plus clairs.