Page:Delille - Les Jardins, 1782.djvu/51

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C’est par ces tons changeants qu’au sein des paysages
Vous pouvez avec choix varier les ombrages,
Produire des effets tantôt doux, tantôt forts,
Des contrastes frappants, ou de moelleux accords.
Observez-les surtout, lorsque la pâle automne,
Près de la voir flétrie, embellit sa couronne :
Que de variété, que de pompe et d’éclat !
Le pourpre, l’orangé, l’opale, l’incarnat
De leurs riches couleurs étalent l’abondance.
Hélas ! tout cet éclat marque leur décadence.
Tel est le sort commun. Bientôt les aquilons
Des dépouilles des bois vont joncher les vallons ;
De moment en moment la feuille sur la terre,
En tombant, interrompt le rêveur solitaire.
Mais ces ruines même ont pour moi des attraits.
Là, si mon cœur nourrit quelques profonds regrets,
Si quelque souvenir vient rouvrir ma blessure,
J’aime à mêler mon deuil au deuil de la nature.
De ces bois desséchés, de ces rameaux flétris,
Seul, errant, je me plais à fouler les débris.
Ils sont passés les jours d’ivresse et de folie ;
Viens, je me livre à toi, tendre mélancolie ;