Page:Delille - Les Jardins, 1782.djvu/59

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Quand Lucullus vainqueur triomphoit de l’Asie,
L’airain, le marbre et l’or frappoient Rome éblouie ;
Le sage dans la foule aimoit à voir ses mains
Porter le cerisier en triomphe aux romains.
Et ces mêmes romains n’ont-ils pas vu nos pères
En bataillons armés, sous des cieux plus prospères
Aller chercher la vigne, et vouer à Bacchus
Leurs étendards rougis du nectar des vaincus ?
Du fruit de leurs exploits leurs troupes échauffées,
Rapportoient, en chantant, ces précieux trophées.
De guirlandes de pampre ils couronnoient leurs fronts ;
Le pampre sur leurs dards s’enlaçoit en festons.
Tel revint triomphant le dieu vainqueur du Gange.
Les vallons, les coteaux célébroient la vendange ;
Et partout où coula le nectar enchanté,
Coururent le plaisir, l’audace et la gaieté.

Enfants de ces Gaulois, imitons nos ancêtres ;
Enlevons, disputons ces dépouilles champêtres.
Voyez dans ces jardins, fiers de se voir soumis
À la main qui porta le sceptre de Thémis,
Le sang des Lamoignon, l’éloquent Malesherbes
Enrichir notre sol de cent tiges superbes.