Page:Delille - Les Jardins, 1782.djvu/60

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Là, des plants rassemblés des bouts de l’univers,
De la cime des monts, de la rive des mers,
Des portes du couchant, de celles de l’aurore,
Ceux que l’ardent midi, que le nord voit éclore,
Les enfants du soleil, les enfants des frimas,
Me font, en un lieu seul, parcourir cent climats.
Je voyage, entouré de leur foule choisie,
D’Amérique en Europe, et d’Afrique en Asie.
Tous, parmi nos vieux plants charmés de se ranger,
Chérissent notre ciel, et l’heureux étranger,
Des bords qu’il a quittés reconnoissant l’ombrage,
Doute de son exil à leur touchante image,
Et d’un doux souvenir sent son cœur attendri.

Je t’en prends à témoin, jeune Potaveri.
Des champs d’O-Taïti, si chers à son enfance,
Où l’amour, sans pudeur, n’est pas sans innocence,
Ce sauvage ingénu dans nos murs transporté,
Regrettoit en son cœur sa douce liberté,
Et son île riante, et ses plaisirs faciles.
Ébloui, mais lassé de l’éclat de nos villes,
Souvent il s’écrioit : « Rendez-moi mes forêts ».
Un jour, dans ces jardins où Louis à grands frais